Un effondrement politique en direct
- David Boudeweel
- 16 hours ago
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Alors que le Parti libéral du Québec (PLQ) semblait lentement sortir du purgatoire politique après des années difficiles, tout s’est effondré en l’espace d’une seule semaine chaotique. Ce qui a suivi est devenu l’un des dérapages internes les plus spectaculaires qu’ait connus la politique québécoise depuis des années, et l’histoire est loin d’être terminée.
La saga a commencé lorsque la cheffe parlementaire Marwah Rizqy a abruptement congédié sa cheffe de cabinet, Geneviève Hinse, une proche alliée du chef du parti, Pablo Rodriguez, et une ancienne employée du Parti libéral du Canada. Rodriguez n’a été ni averti ni informé des raisons de ce congédiement. Lorsque Rizqy s’est ensuite présentée à son bureau accompagnée d’un avocat, Rodriguez a réagi en la suspendant du caucus, avant de l’exclure formellement deux semaines plus tard. À ce jour, les faits reprochés à Mme Hinse demeurent inconnus. Les menaces juridiques et les poursuites s’accumulent désormais dans toutes les directions.
À la suite de ce scandale accablant est survenue une deuxième onde de choc. Le Journal de Montréal a publié des échanges de textos suggérant que des personnes distribuaient des « brownies », des paiements de 100 $, à des membres du parti qui prévoyaient voter pour Rodriguez dans la course à la chefferie. Bien que techniquement légale selon les règles actuelles, cette pratique a immédiatement soulevé de sérieux doutes éthiques et ravivé de mauvais souvenirs liés aux allégations de corruption et de financement illégal qui avaient lourdement terni la réputation du PLQ dans les années 2000. Le gouvernement de la CAQ a réagi rapidement en déposant une loi visant à interdire de telles pratiques.
Depuis cette semaine désastreuse pour le PLQ, la situation ne s’est pas améliorée. Rodriguez a expulsé une autre députée du caucus après qu’elle soit devenue l’objet d’une enquête du Directeur général des élections. Par ailleurs, des reportages médiatiques ont révélé qu’une douzaine de donateurs ayant versé 500 $ à la campagne à la chefferie de Rodriguez auraient ensuite reçu des paiements de 1 000 $. Sans surprise, le PLQ lui-même fait désormais l’objet d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC).
Il devient de plus en plus difficile de voir comment Rodriguez pourrait survivre politiquement à cette tempête de controverses que personne n’avait anticipée il y a à peine un mois. La question est désormais posée ouvertement : les libéraux se mobiliseront-ils en janvier pour forcer un vote de confiance à la chefferie ?
Cet effondrement spectaculaire, combiné à l’impopularité persistante de François Legault, profite directement au Parti québécois, qui atteint maintenant 39 % dans les sondages. Sur papier, tout semble pencher en faveur du PQ. Toutefois, son chef, Paul St-Pierre-Plamondon, pourrait lui-même miner cet élan. Sa récente attaque virulente contre le milieu artistique québécois, après que celui-ci eut chaleureusement félicité le nouveau ministre fédéral de la Culture pour sa nomination, a suscité une réaction négative du public et l’a forcé à s’excuser. Ces réactions émotives et impulsives risquent de lui coller une réputation de précipitation qui pourrait, ultimement, lui coûter la large coalition nécessaire pour remporter l’élection d’octobre prochain.
Quant à la CAQ, elle demeure embourbée, multipliant les tentatives infructueuses de virage à droite pour regagner du terrain. En coulisses, certains députés anonymes encourageraient François Legault à reconsidérer son avenir politique. Pour l’instant, le premier ministre affirme qu’il sera le porte-étendard du parti en 2026, mais comme l’a démontré Ottawa l’an dernier, les plaques tectoniques politiques peuvent bouger très rapidement.
Qui, aujourd’hui, serait prêt à parier un « brownie » que l’élection de 2026 mettra en scène François Legault, Pablo Rodriguez et Paul St-Pierre-Plamondon comme chefs de parti ? En politique québécoise, rien n’est jamais acquis.