Report de la session d’automne à Québec: comprendre l’impact de la prorogation parlementaire
- David Boudeweel
- 3 days ago
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L’Assemblée nationale du Québec devait reprendre ses travaux le 16 septembre 2025 pour l’ouverture de la session d’automne, mais le premier ministre François Legault en a décidé autrement. Le chef de la CAQ a plutôt choisi de proroger, repoussant l’ouverture des travaux parlementaires au 30 septembre. Ce report de deux semaines vise à donner aux ministres nouvellement nommés le temps nécessaire pour examiner les dossiers de leur ministère et s’installer dans leurs nouvelles fonctions à la suite d’un remaniement. Bien que ce délai puisse sembler purement procédural, la prorogation entraîne des conséquences importantes tant pour le programme législatif du gouvernement que pour les travaux de l’Assemblée.
Que signifie la prorogation?
La prorogation met officiellement fin à la session parlementaire en cours et efface l’ordre du jour législatif. Tout projet de loi ou motion qui n’a pas complété le processus législatif « meurt au feuilleton », ce qui signifie qu’il doit être réintroduit si le gouvernement souhaite le poursuivre. Il en va de même pour d’autres ordres parlementaires, comme les mandats confiés aux commissions ou aux députés. Pendant une courte période, il n’y aura également pas de période de questions, ce qui réduit les occasions pour l’opposition de demander des comptes au gouvernement.
La prorogation se déroule en présence du lieutenant-gouverneur et est suivie d’un discours d’ouverture du premier ministre. Ce discours donne le ton à la nouvelle session, présente la feuille de route des priorités gouvernementales et permet au premier ministre de relancer son programme politique avec un nouvel élan. Pour François Legault, ce moment sera l’occasion de mettre de l’avant de nouvelles idées et de démontrer l’unité de son équipe renouvelée, à un an du scrutin.
Le sort des projets de loi clés du gouvernement
La décision de proroger laisse planer une incertitude sur plusieurs projets de loi majeurs qui avaient été déposés et, dans certains cas, déjà étudiés en commission. Ces projets de loi occupaient une place centrale dans la stratégie politique du gouvernement, et leur réintroduction reste à confirmer.
Projet de loi 112, sur le commerce interprovincial et la mobilité de la main-d’œuvre. Présenté dans le cadre d’un mouvement pancanadien visant à faciliter les échanges entre provinces et à réduire la dépendance envers les États-Unis, ce projet de loi vise à abaisser les barrières interprovinciales et à simplifier la reconnaissance des compétences professionnelles. Il a été déposé, mais les consultations avec les parties prenantes n’ont pas encore eu lieu.
Projet de loi 109, sur la souveraineté culturelle et la découvrabilité des contenus francophones. Cette proposition oblige les plateformes numériques et les appareils à donner une plus grande visibilité aux contenus francophones. Au-delà de sa dimension technique, le projet reflète un calcul politique : le gouvernement souhaite afficher des positions nationalistes fortes et freiner la montée du Parti Québécois dans les sondages. Le projet a été déposé, mais aucune consultation n’a encore eu lieu.
Projet de loi 94, sur la laïcité en éducation. Élargissant les restrictions sur les signes religieux dans les écoles et renforçant l’usage du français dans les communications internes, cette législation s’inscrit dans une volonté assumée de séduire l’électorat nationaliste. Le gouvernement espère manifestement rééditer le succès de sa première loi sur la laïcité, qui avait été très populaire. Des consultations ont déjà eu lieu, et le projet de loi peut maintenant être étudié article par article, s’il est rappelé.
Projet de loi 106, sur la responsabilité collective en matière d’accès aux soins de santé. Ce projet réforme la rémunération des médecins en liant une partie de leur salaire à la performance collective et en affiliant automatiquement les patients aux cliniques. Le ministre de la Santé est engagé dans un bras de fer avec les médecins, tandis que les spécialistes ont amorcé des moyens de pression. Le premier ministre a affirmé à plusieurs reprises son intention de revoir le modèle de rémunération médicale, ce qui rend improbable l’abandon du projet. Les consultations sont terminées et le principe a été adopté, de sorte qu’il était prêt pour l’étude article par article avant la prorogation.
Perspectives
La prorogation offre au gouvernement l’occasion de relancer son programme législatif et de mettre en avant de nouvelles priorités, mais elle interrompt aussi les travaux en cours et laisse des projets majeurs en suspens. Lorsque l’Assemblée reprendra ses travaux le 30 septembre, le discours inaugural de François Legault révélera si ces projets phares seront ravivés, modifiés ou discrètement écartés. Pour les observateurs, ce sera le véritable coup d’envoi de la saison politique d’automne au Québec et l’indicateur le plus clair à ce jour de l’orientation que souhaite donner le gouvernement.