Commerce interprovincial, un pas vers une économie canadienne plus intégrée ?
- David Boudeweel
- Aug 15
- 2 min read
Face aux tensions commerciales croissantes avec les États-Unis et aux droits de douane récemment imposés sur certains produits canadiens, les provinces et territoires s’accordent sur une priorité : renforcer l’économie intérieure. Dans cette optique, la réduction des barrières au commerce interprovincial apparaît comme un moyen concret de stimuler la croissance, d’augmenter la productivité et de diversifier les débouchés pour les entreprises.
Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) en 2017, d’importants progrès ont été réalisés pour faciliter la circulation des biens, des services, des investissements et de la main-d’œuvre. Cependant, des obstacles réglementaires persistent, freinant le plein potentiel du marché intérieur. En mars 2025, la Déclaration des premiers ministres a marqué une étape importante en réaffirmant l’engagement commun à éliminer ces obstacles et à adopter des mesures ambitieuses pour libéraliser davantage les échanges.
Le Québec, souvent perçu comme prudent dans l’ouverture de son marché intérieur, a récemment annoncé un geste fort. Par le projet de loi no 112, il s’engage à reconnaître unilatéralement les produits canadiens vendus légalement ailleurs au pays, sauf exceptions justifiées par la sécurité, la santé publique ou l’environnement. Il facilite également la mobilité de la main-d’œuvre en réduisant les démarches administratives pour les travailleurs qualifiés venant d’autres provinces.
Du point de vue du Canada anglais, ces mesures s’inscrivent dans une tendance plus large et bienvenue. La reconnaissance mutuelle des normes et des titres professionnels permettrait non seulement de stimuler le commerce, mais aussi de pallier les pénuries de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs. Les entreprises de l’Ouest, des Prairies, de l’Ontario ou de l’Atlantique pourraient plus facilement accéder au marché québécois, tandis que les consommateurs y gagneraient en diversité et en prix compétitifs.
Toutefois, cette ouverture n’est pas absolue. Le Québec souhaite préserver certaines spécificités, notamment linguistiques et culturelles, ce qui pourrait créer des ajustements particuliers dans la mise en œuvre. Pour plusieurs provinces, cette approche équilibrée est compréhensible, surtout si elle ne freine pas l’élan global vers un marché plus intégré. Reste à voir si le pays sera capable de s’entendre sur certaines normes, nécessaires à l’intégration de certains secteurs comme la liberté de la main-d’œuvre.
L’heure est au réalisme économique. Avec un marché américain potentiellement moins fiable, les provinces voient dans le commerce interprovincial une occasion de créer une zone économique robuste, où la richesse générée reste au pays. Les initiatives conjointes, comme le système de vente directe d’alcool ou la reconnaissance mutuelle dans le secteur du camionnage, témoignent de cette volonté d’agir rapidement.
En somme, du point de vue du Canada anglais, le virage du Québec vers une plus grande ouverture est perçu comme une contribution majeure à un effort collectif. Si chaque province joue le jeu en conciliant ses intérêts locaux avec l’objectif commun, le commerce interprovincial pourrait devenir l’un des piliers d’une économie canadienne plus forte, plus résiliente et moins vulnérable aux pressions extérieures.
Image: « All Provinces and Territories », par Martin Lopatka, Flickr, https://www.flickr.com/photos/apothecary/11967928633/, licence CC BY-SA 2.0, https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/