Mise en contexte
Au Québec, la Loi sur le ministère des Finances prévoit depuis 2015 la présentation d’un rapport préélectoral sur l’état des finances publiques dans les semaines précédant le déclenchement d’élections générales. Ce lundi 15 août, le ministre des Finances, Éric Girard, a présenté cet important document, sur lequel les différents politiques se baseront afin de chiffrer les différents engagements figurant à leur plateforme électorale respective. Le ministre a qualifié ce rapport de rigoureux et prudent. À noter que comme le prévoit la Loi, ce rapport a été préalablement audité par la Vérificatrice générale du Québec, madame Guylaine Leclerc.
Faits saillants
Une hausse importante des revenus de l’État, principalement en raison de l’inflation
La reprise économique, mais surtout l’inflation, a un impact significatif sur les revenus autonomes projetés de l’État québécois, en hausse de 4,7 milliards de dollars. De ce nombre, 2,3 milliards de dollars supplémentaires proviennent des particuliers, 1 milliard de dollars supplémentaires proviennent des entreprises et 639 millions de dollars supplémentaires proviennent des taxes.
Les sociétés d’État devraient pour leur part rapporter au gouvernement du Québec 579 millions de dollars de plus qu’initialement prévu.
Cette hausse significative vient quasiment effacer le déficit de 6,45 milliards prévu pour l’exercice en cours dans le dernier budget Girard.
Le nouveau déficit prévu, après versement au Fonds des générations, est désormais de seulement 729 millions de dollars. Le retour à l’équilibre budgétaire, dans ce contexte, serait possible rapidement.
Pas de récession, mais peut-être une baisse d’impôts en vue au Québec
Lors de la présentation de son rapport, le ministre des Finances du Québec a réitéré qu’il n’entrevoit pas, à l’heure actuelle, l’arrivée d’une récession dans la province. Des provisions pour risques économiques et autres mesures de soutien et de relance à hauteur de 10 milliards de dollars sont toutefois prévues, compte tenu de l’incertitude économique actuelle. Le ministre des Finances a également confirmé que son gouvernement proposerait sous peu une baisse d’impôts « ordonnée et responsable » pour les particuliers.
Un rapport et des prévisions jugées « plausibles » selon la Vérificatrice générale
Les hypothèses retenues et les prévisions relatives au cadre financier et à la dette ont été jugées plausibles pour les années 2022-2023 à 2024-2025. La Vérificatrice générale note toutefois que l’incertitude entourant ces prévisions est très élevée en raison de la flambée de l’inflation, qui provoque un resserrement national et mondial des politiques monétaires, de la guerre en Ukraine et de la pandémie.
De plus, la Vérificatrice générale note qu’il existe une sérieuse possibilité que certaines dépenses prévues ne puissent être réalisées entièrement en raison de la rareté de la main-d’œuvre, laissant entrevoir une potentielle marge de manœuvre supplémentaire.
Analyse
Le rapport préélectoral sur l’état des finances publiques du Québec représente, dans l’ensemble, une bonne nouvelle, autant pour les particuliers que pour les entreprises. Déjà, le dernier budget du ministre des Finances, présenté en mars dernier, laissait entrevoir une amélioration significative de la situation financière du Québec. Le document dévoilé aujourd’hui témoigne d’une accélération importante de cette tendance, ce qui permettra à Québec de frôler l’équilibre budgétaire à la fin du présent exercice, alors que le déficit initialement prévu dépassait les 6 milliards de dollars.
Cette importante embellie financière, à l’aube de la prochaine élection générale québécoise, incitera certainement les partis politiques à se montrer plus généreux qu’initialement prévu dans leurs engagements électoraux, et ce, au détriment des voix prônant pour une plus grande rigueur budgétaire. De la même manière, différents groupes se montreront probablement plus ambitieux dans leurs demandes électorales.
La pertinence d’une réduction ou d’une suspension des versements aux Fonds des générations se voit pour sa part fortement diminuée, et ce, peu importe le parti politique victorieux, le 3 octobre prochain. Le gouvernement, de quelque couleur qu’il soit, ayant une marge de manœuvre suffisante pour baisser un peu les impôts sans empiéter sur le fonds des générations.
Cette hausse vient également confirmer la tendance de différentes promesses, annoncées ou à venir, de baisses d’impôts des particuliers. À l’heure actuelle, plusieurs partis ont déjà pris des engagements en ce sens. Elle rend également possible l’envoi d’une nouvelle aide aux Québécoises et aux Québécois pour lutter contre l’inflation, comme l’actuel gouvernement l’avait laissé planer il y a quelques semaines.
Il sera intéressant de voir dans quelle mesure les différents partis politiques auront l’audace de promettre une baisse du fardeau fiscal similaire pour les entreprises, notamment pour les PME. Dans tous les cas, l’ampleur de la marge de manœuvre présentée aujourd’hui donnera au futur gouvernement du Québec, au lendemain de l’élection, un levier additionnel pour soutenir les entreprises, dont plusieurs peinent à se relever de la pandémie de la COVID-19.
Quelques ombres apparaissent par ailleurs au tableau des entreprises : comme le relève la Vérificatrice générale, la hausse des revenus de l’État est provoquée presque exclusivement par l’inflation, une variable par ailleurs susceptible de faire ralentir la consommation des ménages, et pas par une productivité plus importante des entreprises québécoises.
Finalement, et en dépit des marges de sécurité prévues, il aurait été pertinent d’inclure dans ce rapport un scénario alternatif prenant compte des effets d’une récession. Malgré les propos rassurants du ministre des Finances, le Québec, en raison notamment du contexte géopolitique instable et de sa dépendance à l’économie américaine, ne peut être considéré totalement à l’abri d’une récession.
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