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Le virage nationaliste de François Legault : une tentative pour relancer la CAQ

  • David Boudeweel
  • 10 oct.
  • 3 min de lecture

Alors que les sondages continuent de montrer son parti en perte de vitesse dans la province, le premier ministre François Legault semble vouloir miser sur un appel marqué au sentiment nationaliste. Après un remaniement ministériel qui n’a pas réussi à remonter le moral du public ni à restaurer la confiance envers le gouvernement, le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) semble avoir conclu qu’un virage appuyé vers les thèmes identitaires était le seul moyen de contrer le Parti Québécois, en tête des sondages depuis plus d’un an.


Cet accent renouvelé sur l’identité et les valeurs n’est pas un territoire totalement nouveau pour la CAQ. En 2019, le gouvernement Legault avait présenté la controversée mais populaire loi sur la laïcité, qui interdisait aux employés de l’État occupant des postes d’autorité (enseignants, juges, policiers) de porter des symboles religieux. Cette loi avait consolidé l’image de Legault comme défenseur de l’identité culturelle et des « valeurs » québécoises, surtout chez les francophones hors de Montréal. Aujourd’hui, alors qu’il fait face à un mécontentement grandissant sur plusieurs fronts, Legault semble reprendre cette même recette politique.


Au cours des dernières semaines, le premier ministre a aussi adopté un ton plus combatif, avertissant que certains groupes tentent de saper les valeurs fondamentales du Québec et l’égalité des femmes. Il a promis de renforcer la nature laïque de l’État par une nouvelle législation, qu’il présente comme une mesure nécessaire pour protéger les libertés et la cohésion sociale de la province. Le gouvernement veut aussi s’attaquer à la question des pratiques religieuses dans l’espace public, notamment les prières de rue devenues plus visibles dans certaines parties de Montréal, en les interdisant dans le cadre des mêmes changements législatifs. L’objectif est de réaffirmer l’idée d’un espace public neutre, reflet de ce que Legault décrit comme l’identité moderne du Québec.


En parallèle, l’immigration est redevenue un thème central du discours politique. Alors que se poursuivent les consultations publiques sur les niveaux d’immigration provinciaux, le gouvernement a exprimé ses inquiétudes quant à la forte hausse de l’immigration temporaire, qu’il associe à la pression sur le logement, les services publics et la langue française. Après de vives réactions du milieu des affaires, notamment dans les régions aux prises avec des pénuries de main-d’œuvre, la CAQ a légèrement adouci son message. Mais peu doutent que l’immigration restera au cœur de la rhétorique du parti en vue de l’élection provinciale prévue pour l’automne prochain.


S’ajoutant à cet élan nationaliste, le gouvernement Legault a annoncé son intention de déposer une Constitution du Québec, décrite par le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette comme à la fois « un miroir et un bouclier de la nation québécoise ». Le projet vise à rassembler les principes fondamentaux de la province et à affirmer son autonomie au sein de la fédération canadienne. Sur le plan juridique, l’initiative est largement symbolique, mais elle revêt une portée politique importante : elle permet à la CAQ de se présenter comme le gardien de l’identité et des institutions québécoises, dans un contexte où le débat sur la souveraineté demeure en sommeil mais où la fierté de la différence québécoise reste forte.


La protection culturelle constitue un autre pilier de ce renouveau nationaliste. Le nouveau projet de loi sur la « découvrabilité » vise à assurer une meilleure visibilité des contenus québécois sur les grandes plateformes de diffusion en continu. Bien que l’intention de promouvoir la culture locale soit largement partagée, la portée réelle de la législation demeure incertaine, et plusieurs observateurs doutent de son efficacité concrète. Certains y voient davantage un geste symbolique destiné à plaire à l’électorat nationaliste qu’une mesure structurante.


Pris dans son ensemble, cet ensemble de gestes législatifs marque un retour clair à la politique de l’identité et des valeurs qui avait jadis propulsé la CAQ. Pour un premier ministre dont la popularité s’érode en raison des défis économiques et d’un certain essoufflement politique, il s’agit d’une stratégie familière, mais potentiellement payante.


Reste à voir si ce virage nationaliste renouvelé réussira à raviver la confiance des Québécois ou s’il renforcera plutôt l’impression d’un gouvernement à court d’idées. À l’approche rapide de la prochaine campagne électorale, Legault semble miser de nouveau sur l’émotion plutôt que sur la gestion rigoureuse, espérant que la politique identitaire pourra encore une fois rallier les cœurs et les intentions de vote là où les politiques publiques n’y parviennent plus.

 

 
 
 

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