En politique, une rentrée parlementaire, ça se planifie. Pour le retour des députés à l’Assemblée nationale cet automne, la garde rapprochée de François Legault avait prévu toute une séquence, de la filière batterie à l’Agence Santé Québec. S’il y a bien une constante en politique toutefois, c’est qu’une rentrée parlementaire se déroule très rarement comme prévu. Alors, de quoi les députés ont-ils parlé à leur retour sur les banquettes du Salon Bleu?
Identité des genres : le sujet-surprise de la rentrée
Sans équivoque, c’est probablement le thème qui s’est imposé lors de la rentrée parlementaire, et que personne n’avait vu venir. Né d’une micro controverse autour du projet d’une école de transformer ses toilettes en « toilettes mixtes », le débat sur l’identité des genres a fait boule de neige forçant le premier ministre lui-même à lancer un appel au calme et à confier cette patate chaude politique à un « comité de sages ». Ce débat, qui a complètement éclipsé plusieurs annonces gouvernementales prévues et le plan de match des oppositions, promet de continuer à faire réagir au cours des prochaines semaines. À suivre!
Consultation publique étonnamment tranquille sur les seuils d’immigration
C’était un thème qui s’annonçait comme un incontournable, et qui faisait frissonner plusieurs personnes au gouvernement : la consultation publique visant à déterminer les seuils d’immigration pour la période 2024-2027. Le sujet était d’autant plus sensible pour François Legault, qui, après avoir qualifié la perspective de les augmenter en campagne électorale de « suicidaire pour le Québec », a amorcé un revirement important, en proposant un scénario pour porter ces mêmes seuils de 50 000 à 60 000 d’ici 2027. Si ladite consultation n’est toujours pas terminée, force est de constater que ce débat, pour l’heure, provoque beaucoup moins de vagues qu’anticipé.
Obsolescence programmée : quasi-unanimité en commission parlementaire
C’est un fait relativement rare en politique québécoise : au cours des consultations particulières portant sur le projet de loi 29, qui vise à mieux lutter contre l’obsolescence programmée de divers biens de consommation, la quasi-totalité des intervenants entendus se sont positionnés globalement en faveur du texte, tout comme les parlementaires présents par ailleurs. Cet apparent consensus semble paver la voie à une adoption rapide de cette pièce législative, une première victoire certes discrète, mais concrète, pour l’équipe caquiste cet automne. Si adopté tel que présenté, ce projet de loi serait une première au pays. Plusieurs groupes souhaitent que les autres juridictions canadiennes s’inspireront de l’exemple du Québec pour introduire un projet de loi semblable.
Santé Québec : un débat qui avance rondement, mais trop lentement
L’étude détaillée de la réforme-phare du réseau de la Santé porté par Christian Dubé s’est poursuivie rondement en septembre. S’il a su éviter les controverses, le ministre Dubé doit toutefois être déçu que la myriade d’amendements qu’il a lui-même déposés à son projet de loi pour tenir compte des inquiétudes exprimées en commission parlementaire n’aient pas provoqué de réactions enthousiasmées. Surtout, le temps avance et les parlementaires n’ont étudié que 17% du projet de loi. Si le gouvernement veut adopter son texte législatif avant la fin de l’année, il devrait peut-être recourir au bâillon si le rythme reste le même. À moins que celui-ci ne soit prêt à reporter dans le temps son adoption?
Le développement de la filière batterie se poursuit, en dehors de Bécancour
Au gouvernement, c’est probablement l’un des dossiers que l’on souhaite le plus mettre de l’avant en cette rentrée parlementaire, surtout qu’il s’inscrit pleinement dans le nationalisme économique défendu par la CAQ. Au cours du mois de septembre, les annonces d’envergure se sont multipliées : Volta Canada à Granby, Northvolt à Saint-Basile- le-Grand/McMasterville, et d’autres annonces sont à venir, selon le premier ministre. S’il s’agit d’un enjeu pour le moment relativement consensuel, des critiques ont commencé à se faire entendre, notamment sur les sommes publiques investies dans cette filière, qui dépassent désormais le milliard de dollars.
Carte électorale redécoupée : bisbille à prévoir au Salon Bleu
De manière périodique, le Directeur général des élections (DGEQ) propose des modifications à la carte électorale du afin que celle-ci reflète les changements démographiques dans la province. À chaque fois, cet exercice soulève les passions, particulièrement chez les députés dont les circonscriptions sont menacées de disparition. Considérant que celles-ci sont surtout situées sur l’île de Montréal, où se trouvent les dernières forteresses libérales, et en régions éloignées dans lesquelles les relais péquistes demeurent fort, cette fois ne risque assurément pas de faire exception!
Notre analyse : léger avantage au gouvernement
Non, les annonces gouvernementales n’auront probablement pas eu toute la visibilité que les caquistes auraient souhaité. L’équipe gouvernementale semble également avoir été prise un peu de court par l’ampleur prise par le débat sur l’identité des genres, que, avouons-le, personne n’avait anticipé. Malgré tout, le gouvernement caquiste a évité les fautes graves, à l’heure où les pièges étaient pourtant nombreux. Même si c’est souvent à un rythme plus lent que prévu, ses projets de loi phare, que ce soit en Santé ou en Habitation, par exemple, sont sur les rails et avancent. De leur côté, les oppositions ont eu peine à mettre le gouvernement dans les câbles. Elles-mêmes ont dû se positionner, avec peu d’aisance, sur le dossier de l’identité des genres, sans réussir toutefois à s’illustrer. Elles ont été également incapables de faire mal paraître le gouvernement caquiste sur des dossiers chauds comme l’immigration ou l’habitation.
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