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Budget du Québec 2023-2024 : prudence et continuité

David Boudeweel-Lefebvre

Le 21 mars 2023, le ministre des Finances Éric Girard a présenté le Budget du Québec 2023-2024. Il s’agit du premier exercice de la sorte depuis l’élection d’octobre dernier. En plus de viser à remplir plusieurs promesses électorales, ce budget s’ancre dans deux réalités majeures : la menace d’une récession prochaine et une poussée inflationniste qui n’est pas encore sous contrôle. Ceci réduit le pouvoir d’achat des Québécois et Québécoises.


Ajoutons à cela l’incertitude liée au contexte international, ainsi que de potentielles hausses de tarifs d’électricité, et l’exercice de cette année s’avérait périlleux. Dans son approche, le ministre Girard comprend son rôle de facilitateur de l’agenda du gouvernement et évite, dans son budget de cette année, d’empiéter sur les compétences de ses collègues.


Ce que disent les chiffres

  • Les dépenses gouvernementales pour 2023-2024 sont estimées à 147,9 milliards de dollars;

  • Les revenus sont prévus à 147,7 milliards de dollars;

  • Maintien de réduire l’écart en PIB réel avec l’Ontario sous les 10% pour 2026;

  • Le déficit prévu pour 2023-2024 est de 4,0 milliards après un versement de 2,3 milliards au Fonds des Générations, et une réserve de 1,5 milliard pour le fonds de stabilisation;

  • L’équilibre budgétaire est toujours prévu pour l’exercice financier 2027-2028, tandis qu’un surplus aux comptes courants s’anticipe désormais pour aussitôt que 2025-2026.

Prévisions économiques

Québec n’anticipe pas officiellement de récession, mais ses prévisions de croissance économique sont peu rassurantes, à 0,6% pour 2023 et 1,4% pour 2024, la croissance devrait donc être sous la croissance des dépenses. De plus, la présentation d’un plan alternatif, en cas de récession, fait craindre un ralentissement plus significatif que prévu. Les craintes liées à l’inflation galopante et aux hausses successives de taux d’intérêt, jumelés à un manque de main-d’œuvre, pourraient compliquer la tâche du Québec lors d’une éventuelle relance économique.


Présentation globale

Le budget est fidèle aux grandes priorités déjà énoncées lors de la dernière campagne électorale, à savoir la réduction du fardeau fiscal des individus, la santé, l’éducation, et l’économie. Il se veut également la réponse adaptée du gouvernement du Québec à la hausse importante du coût de la vie que l’on a continué d’observer ces derniers mois. D’un point de vue économique, certaines mesures contenues au sein du budget représentent un intérêt certain.


Taxes et impôts

Le budget présenté par Québec introduit des baisses d'impôt pour les particuliers et les sociétés. La baisse pour les individus, appliquée sur les deux premiers paliers d’impôt, entraînera une hausse du revenu disponible des ménages ce qui sera profitable, entre autres, aux commerces et autres entreprises de service. Après trois ans de restrictions pandémiques, les Québécois dépensent plus et le surplus qu’ils auront ira à l’allègement de leurs dettes personnelles, et pour se payer quelques dépenses non récurrentes.


Sur le plan des entreprises, le gouvernement propose un congé fiscal sur les charges d’employeurs aux frais de santé (FSS) dans la mesure où ils réalisent un grand projet d’investissement au Québec.


Santé

Grand chantier du gouvernement, le secteur de la santé continue d’occuper la première position en matière de nouvelles dépenses et la taille du ministère ne cesse de grossir. Cette année, 3 milliards visent à ajouter de la flexibilité dans le système. Ces sommes, entre autres, comprennent les montants liés au lancement de Santé Québec, l’agence qui, à terme, devrait gérer le réseau. 710 millions sont prévus pour un accès en clinique de première ligne. L’ensemble des coûts de main-d’œuvre du système est projeté en forte augmentation.


Développement économique

Afin d’atténuer une potentielle récession, le gouvernement ajoute 7,5 milliards de dollars sur 10 ans dans le Plan québécois des infrastructures (PQI). De plus, des sommes de 615 millions sur six ans viseront à contrer la pénurie de main-d’œuvre en ajoutant du soutien au recrutement et à la francisation des immigrants, de même qu’en bonifiant les programmes de formation de courte durée.


Lutte contre l’inflation

La réponse gouvernementale à l’inflation se fait également, une fois de plus, sous l’auspice de nouvelles dépenses. On parle ici d’un milliard pour le logement, de près de 400 millions pour le réseau des garderies, de 770 millions pour le transport en commun et de 125 millions de nouvel argent pour l’ensemble du milieu communautaire.


Le gouvernement entend aussi rendre la cotisation à la Régie des Rentes optionnelle une fois passé le 65e anniversaire, pour les gens qui reçoivent déjà leur pension. L’équivalent en baisse de cotisation sera aussi donné à l’employeur pour chaque travailleur qui se retirera du système de cotisation, ce qui est un progrès.


Commerces

Aucune intervention en lien avec l’heure d’ouverture des commerces n’est mise de l’avant. Au niveau de l’alcool, la taxe spécifique sur les boissons alcooliques n’est pas augmentée et les heures légales de vente demeurent les mêmes. Le prix des permis poursuit son indexation en fonction des tables déjà établies. L’augmentation de taxes sur les produits du tabac (annoncée le 8 février 2023) est maintenue et intégrée dans le budget.


Les mesures en faveur de l’emploi et du maintien en emploi des travailleurs âgés sont une contribution bienvenue.


Éducation

Des investissements additionnels de 2,3 milliards sur cinq ans sont annoncés. Toutefois, la plupart de ces sommes sont des reconductions des deux budgets précédents. La plupart des nouvelles sommes sont explicitement annoncées comme visant à faire un « rattrapage post-pandémie ».


Analyse préliminaire

Malgré le contexte mondial incertain, le Québec demeure en meilleure santé financière que la plupart des autres provinces du pays. Le budget présenté aujourd’hui est centré sur les trois piliers identifiés par le gouvernement depuis son arrivée en poste, à savoir l’éducation, la santé et l’économie. On ajoute la réduction du fardeau fiscal des individus afin de donner de l’air aux familles et pour lutter contre les impacts de l’inflation sur les ménages.


Conformément à ce qui avait été exprimé par le premier ministre et son ministre des Finances depuis quelques semaines, ce budget demeure sérieux et prudent. Au retour d’une élection, on sent la volonté de tenir parole et de respecter bon nombre de promesses électorales, tout en se gardant une certaine marge de manœuvre pour d’éventuels mauvais jours. Beaucoup de manœuvres est aussi laissée aux différents ministres pour intervenir, chacun, dans leur sphère respective.


Conséquemment, certaines décisions plus difficiles semblent avoir été remises à plus tard. Le budget présenté aujourd’hui en est définitivement un d’attente, avec peu de nouvelles mesures structurantes. Comme si le Québec avait trouvé son élan, et s’en satisfaisait. Ajustements en santé et en éducation, bonification pour les infrastructures, baisse d’impôt des particuliers. C’est intéressant, mais ça demeure tranquille.


Si le gouvernement du Québec confirme une fois de plus le retour à l’équilibre budgétaire en 2027-2028, il détaille davantage les moyens qui seront pris pour atteindre cet objectif, y compris la réduction des versements au Fonds des générations, le fonds d’investissement des revenus issus des redevances (minières, eau, etc.) et des sociétés d’État (loterie, électricité, etc.).


Pour les entreprises, le budget demeure relativement timide en matière de lutte contre la pénurie de main-d’œuvre, qui continue de frapper plusieurs entreprises et de freiner la croissance. Nous aurions aimé plus de fonds pour la formation de travailleurs spécialisés ou encore en lien avec l’immigration.







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