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David Boudeweel-Lefebvre

Budget 2024-2025 : le Québec à l’heure des choix

Mise en contexte

Le 12 mars 2024, le ministre des Finances Éric Girard a présenté le Budget du Québec 2024-2025. Dévoilé sous le thème Priorités Santé Éducation, cet important exercice survient alors que le Québec fait face à une situation budgétaire de plus en plus délicate. Alors que les dépenses gouvernementales ont connu une hausse considérable, les revenus de l’État, eux, ne croissent pas aussi rapidement. Après des années fastes où il était facile de se montrer généreux, le gouvernement Legault doit désormais faire des choix difficiles. Parmi ceux-ci : le report du retour à l’équilibre budgétaire, le plafonnement des dépenses de la majorité des ministères et la grande difficulté à lancer de nouveaux chantiers.

 

Ce que disent les chiffres

-        Les dépenses gouvernementales projetées sont estimées à 150,9 milliards de dollars;

-        Les revenus prévus s’établissent à 146,7 milliards de dollars;

-        Le déficit prévu pour 2024-2025 est de 11 milliards, après versement au Fonds des Générations;

-        Le gouvernement reporte sa cible pour l’atteinte de l’équilibre budgétaire de deux ans, et vise désormais l’exercice financier 2029-2030.

 

Prévisions économiques

Le budget présenté aujourd’hui confirme que le ralentissement de l’activité économique au Québec devrait se poursuivre pour l’année à venir. Québec n’anticipe pas officiellement de récession, mais ses prévisions de croissance économique demeurent faibles, à 0,6% pour 2024 et 1,6% pour 2025, ce qui demeure largement inférieur à la croissance des dépenses. Le budget prévoit également des provisions pour imprévus de 7,5 milliards des dollars sur cinq ans. Si le gouvernement affirme agir par prudence, il n’en demeure pas moins que cet exercice traduit une certaine nervosité pour l’année à venir.

 

Taxes et impôts

Après avoir annoncé une baisse d’impôts lors du dernier budget, le présent exercice financier ne prévoit pas de nouvelles baisses significatives du fardeau fiscal pour les particuliers. Les taux d’imposition, tout comme la TVQ, demeurent inchangés. Le budget présenté par Québec ne prévoit aucune baisse d’impôts ou de taxation pour les entreprises.

 

Santé

Le budget 2024-2025 prévoit des investissements additionnels de 3,7 milliards de dollars, qui permettront d’appuyer une organisation humaine et efficace des soins de santé et des services sociaux, entre autres en améliorant l’accès aux soins et aux services et la fluidité hospitalière, en assurant le maintien et la qualité des soins et des services aux aînés et en consolidant les services sociaux pour les jeunes et les personnes vulnérables. Le gouvernement affirme notamment avoir pour objectifs d’accélérer le virage numérique du réseau de la santé, de développer des mesures alternatives à l’hospitalisation, d’ajouter des lits pour répondre aux besoins grandissants, de bonifier les services de soutien à domicile et l’offre d’hébergement pour les aînés, de répondre aux besoins croissants en protection de la jeunesse et de renforcer les services en santé mentale.


Éducation

Au sein de son budget, le gouvernement prévoit une somme additionnelle de près de 819 millions de dollars sur six ans pour favoriser la réussite éducative des jeunes. Selon le gouvernement, cet investissement permettra de soutenir la réussite des élèves, d’assurer l’attraction et la rétention du personnel scolaire, d’appuyer les organismes partenaires de l’éducation ainsi que d’accélérer l’entretien du parc immobilier scolaire. Des mesures permettront également de mieux accompagner les élèves en difficulté, de consolider les activités éducatives des élèves, de rendre les postes à temps partiel plus attrayants, de maintenir en emploi les travailleurs plus expérimentés du réseau de l’éducation et de soutenir des partenaires importants comme Le Club des petits déjeuners, La Cantine pour tous et AgrÉcoles.


Développement économique

Le gouvernement prévoit un investissement de 443 millions de dollars pour appuyer les secteurs stratégiques de l’économie. Ces sommes serviront notamment à mettre en place des laboratoires industriels au sein des zones d’innovation, à assurer la croissance du secteur aérospatial québécois, à poursuivre le développement du secteur de l’aluminium, à favoriser l’adoption de nouvelles technologies et la recherche, à soutenir l’entrepreneuriat et le repreneuriat et à recapitaliser le fonds Capital ressources naturelles et énergie. Le budget prévoit également des initiatives totalisant 126 millions de dollars sur trois ans pour accroître la main-d’œuvre disponible et la productivité dans l’industrie de la construction. Un montant de 400 millions de dollars est également prévu pour favoriser l’intégration économique et sociale des personnes immigrantes.


Amorce d’un examen des dépenses gouvernementales

Le gouvernement profite du budget pour annoncer qu’il amorcera, dès le printemps 2024, une révision de l’ensemble de ses dépenses. À cette fin, un examen couvrira les dépenses fiscales liées aux régimes d’imposition des particuliers et des sociétés ainsi qu’au régime des taxes à la consommation. Un autre examen couvrira les dépenses des ministères et organismes gouvernementaux. Les premières actions découlant de ces deux examens seront intégrées au plan de retour à l’équilibre qui sera présenté au moment de la publication du budget 2025-2026.

 

Autres mesures d’intérêt

Le budget présenté aujourd’hui contient également d’autres mesures plus ciblées :

-        Un effort d’optimisation totalisant 1 milliard de dollars aux entreprises de l’État;

-        L’élimination de la rente de retraite pour les aînés de 65 ans et plus en situation d’invalidité;

-        Deux hausses successives du taux de taxation des produits du tabac;

-        L’abolition du crédit d’impôt aux entreprises favorisant le maintien en emploi des travailleurs d’expérience;

-        La réduction des rabais offerts à l’achat d’un véhicule électrique dans le cadre du programme Roulez Vert.

 

Analyse préliminaire

Si le Québec demeure en relative bonne santé financière, il n’en demeure pas moins que le budget présenté aujourd’hui augure de jours plus difficiles. Au niveau budgétaire, le Québec n’est pas en mesure de contenir l’accroissement des dépenses gouvernementales, qui augmentent de manière soutenue, sous la pression des augmentations salariales consenties aux employés de l’État.

 

Cette année, le gouvernement ne peut compter ni sur la vigueur de l’activité économique, qui devrait demeurer faible, ni sur une hausse de ses revenus pour amoindrir le choc. Au contraire, la trajectoire des revenus gouvernementaux est en baisse, notamment en raison de la chute des dividendes versées par Hydro-Québec, mais également par la baisse générale des revenus autonomes. Résultat : plutôt que de se résorber, le déficit du Québec se creuse de manière importante, s’établissant à un sommet de 11 milliards de dollars en 2024.

 

Nous ne sommes pas encore à tirer la sonnette d’alarme, mais la récréation est définitivement terminée. En conséquence, le budget présenté aujourd’hui contient somme toute, et par rapport aux précédents exercices réalisés par le ministre Girard, peu de nouvelles annonces ou de nouveaux chantiers, s’apparentant plutôt à un budget de gestion des affaires courantes. Face à cette situation budgétaire précaire, le gouvernement Legault est conscient que sa marge de manœuvre est plus limitée que jamais. S’il fait le choix de préserver la Santé et l’Éducation, les autres portefeuilles de l’État, toutefois, se voient imposer un important ralentissement de la croissance de leurs dépenses. Le gouvernement impose également aux entreprises publiques un effort considérable d’optimisation de leurs dépenses. Une révision en profondeur de l’ensemble des dépenses gouvernementales sera également lancée dès cette année, officiellement afin d’améliorer l’efficacité de l’État.

 

Ces annonces augurent inévitablement de choix difficiles à venir, alors que la société québécoise, ayant renouée avec un état providence élargi, doit faire face à de nouveaux problèmes tels l’inflation, l’allongement des files d’attente pour une place en garderie et une crise de l’habitation. À ce chapitre d’ailleurs, le budget présenté aujourd’hui comporte très peu de nouveaux investissements.

 

En conséquence, et même si ce budget apparaît, dans son ensemble, comme une réponse prudente à la situation budgétaire actuelle, il n’en demeure pas moins qu’il risque fort de faire un certain nombre d’insatisfaits. Les Québécois devront vraisemblablement s’habituer à un gouvernement moins généreux que par le passé.

 

Au final, le Québec s’épargne un véritable exercice d’auto-critique, assurément douloureux, en choisissant plutôt de reporter l’équilibre budgétaire de deux ans. Il importera toutefois de surveiller comment les marchés réagiront à cette annonce, qui pourrait entacher la crédibilité financière du Québec et se traduire par une hausse du coût d’emprunt de la province. De surcroît, il convient de noter que la planification financière du gouvernement du Québec se base, en partie, sur des éléments hors de son contrôle, qu’on pense, par exemple, à une baisse des taux d’intérêt ou à une hausse des transferts fédéraux, une stratégie qui n’est évidemment pas sans risque.

 

Pour plus d’informations sur le Budget du Québec 2024-2025, il est possible de le consulter en à www.finances.gouv.qc.ca. À noter qu’en cas de disparité avec les documents officiels du gouvernement du Québec, ces derniers ont préséance.

 

Nous continuerons notre analyse au cours des prochains jours et ne manquerons pas de vous tenir informés.

 

Bien à vous.

 

David Boudeweel-Lefebvre

Boudeweel Affaires publiques

613 325-3298

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